Histoire du RAPMM en 33 degrés
En préalable, il faut bien prendre en compte que tout ce qu’on peut
lire sur l’Internet concernant le RAPMM ne concerne en rien, ni de près
ni de loin le rite pratiqué au sein du Grand Ordre Égyptien Mixte de la
GLMF.
Alors quelques données historiques succinctes s’imposent. Tout d’abord,
les frères Bédarride importent en France vers 1815 le rite de Misraïm
en 90 degrés, ce rite n’a d’égyptien que le nom, ses références sont
purement vétérotestamentaires. En 1838 apparaît le rite de Memphis en
95 degrés, qui est en fait une scission de Misraïm opérée par
Jacques-Etienne Marconis de Nègre. Si l’on compare les grades des deux
rites de Misraïm et de Memphis de cette époque, on constate que
Marconis de Nègre a supprimé tous les grades spécifiques à Misraïm,
d’inspiration juive (exemples : « Chevalier de la
Kanuka » ou « Souverain Prince Talmudim ») et qu’il les
a remplacés par d’autres grades d’inspiration hermétiste ou faisant
référence à l’antiquité gréco-égyptienne.
Plus tard, sur l’ordre de Napoléon III, le général Magnan, tente de
réunir au sein du Grand Orient de France toutes les organisations
maçonniques du pays avec des succès divers, mais Marconis de Nègre
sollicite et obtient en 1862 de Magnan l’intégration de son rite au
sein du GODF à condition qu’il ramène son échelle à 33 degrés ce qu’il
fait de bonne grâce.
En 1881, Giuseppe Garibaldi fut nommé Grand Maître mondial par la
plupart des obédiences nationales de Memphis qui subsistaient hors de
France, ainsi que par certaines obédiences de Misraïm (notamment
l’obédience italienne). Garibaldi mourut un an plus tard en 1882, mais
il demanda à l’anglais John Yarker de réunir Misraïm et Memphis ce qui
donnera le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm. En fait, ce
nouveau Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm correspond au Rite
de Memphis. Et selon les époques ou la nécessité, il sera présenté par
John Yarker soit selon l’échelle en 95 grades, soit selon l’échelle en
33 grades (conformément à la nomenclature de 1862).
Nous avons donc au tournant du 20e siècle : un rite « Ancien
et Primitif », légèrement adapté par Yarker, qui possède une
double échelle de 95 degrés ou 33 degrés (échelle réduite) ; un
rite de Misraïm en 90° degrés, qui disparaît du paysage maçonnique
français vers 1900-1905 : enfin un rite de Memphis en 33 degrés
intégré au Grand Orient de France mais qui n’est plus pratiqué depuis
longtemps. Cependant, suite au Convent maçonnique spiritualiste de 1908
(organisé par Papus à Paris), un « Suprême Grand Conseil du Rite
Ancien et Primitif » est installé en France avec Téder
(collaborateur de Papus) à sa tête. Jean Bricaud, qui succède à Téder
en 1918 dirigera le rite jusqu’en 1934 et décide de revenir
définitivement à l’échelle de 95 degrés en consacrant le nom de RAPMM.
De Yarker à Bricaud en passant par Papus, Téder et d’autres, le RAPMM
prend une orientation nettement ésotériste, spiritiste et parfois
occultiste qui se retrouve aujourd’hui encore dans les Obédience du
RAPMM en 95 degrés.
Les Obédiences qui pratiquent le rite en 33 degrés (selon la réduction
opérée en 1862), le GODF et la GLMF essentiellement, sont revenues à
une vision et une pratique authentiquement hermétiste du RAPMM,
c’est-à-dire basée sur la connaissance des êtres et des choses et non
sur une révélation qu’elle soit déiste, théiste ou autre, et
s’inscrivent ainsi dans la plus parfaite laïcité.
Dernière précision historique, durant tout le 19e siècle, toutes les
grandes figures de révolutionnaires membres de la Franc-Maçonnerie,
d’Auguste Blanqui à Garibaldi, ont appartenu soit au rite de Misraïm,
soit au rite de Memphis.
Pour mémoire, les rituels du RAPMM pratiqué aujourd’hui en loge
symbolique ne sont ni ceux de Misraïm ni ceux de Memphis, mais ceux mis
au point par Robert Ambelain et publié en 1988 chez Robert Laffont sous
le titre de Franc-Maçonnerie d’autrefois. Cérémonies des rites de
Misraïm et de Memphis. Mais il ne touchera pas aux degrés dits
supérieurs.
En 1999 des Loges issues du RAPMM en 95 degrés (et anciennement
membres de l’Ordre réorganisé par Robert Ambelain) demandent leur
intégration au sein du GODF qui répond favorablement. Celui-ci en
profite pour réactiver en 2002 les grades dits « Hauts » du
rite qu’il possède depuis 1862. En 2003, il en transmet les lettres
patentes à la GLMF qui crée en son sein notre actuel GOEM.
L’échelle en 33 degrés.
Pour constituer son échelle en 33 degrés, Marconis de Nègre avait
décidé d’enlever purement et simplement les grades qui étaient
directement issus du REAA, c’est-à-dire les degrés de 4 à 33. Puis il
avait constitué la correspondance suivante 95 = 33, 90 = 30 etc.
De cela découle que le RAPMM en 33 degrés quitte la maçonnerie biblique
dès le premier degré dit supérieur pour s’insérer de plain-pied dans la
maçonnerie hermétique.
Dans cette échelle, donc la nôtre, les grades pratiqués sont :
• 12ème - Chevalier Rose-Croix de l’Aigle Noir, Blanc et Rouge, dit Chevalier de l’Aigle Rouge,
Ce grade est sans doute le plus surprenant tant il est riche de
symbolisme et d’ésotérisme. C’est un vieux grade hermétique qui fut
pratiqué notamment à Metz, par le Baron de Tschoudy, à Paris et à
Marseille, dans les années 1780 comme grade de fin de système du Rite
Écossais Philosophique. Il aurait disparu s'il n'avait été intégré à
l'échelle de grade de Misraïm puis de Memphis.
Les thèmes mis en œuvre sont alchimique, cabaliste et astrologique,
mais comprenons-nous bien, l’alchimie dont il est question pose comme
principe de base qu’il y a une unité de l’être et du monde et que par
des mécanismes d’introspection en décomposant notre personnalité en
éléments primordiaux et en les recombinant, nous pouvons accéder à une
autre vision de soi et de l’univers. La cabale dont il est question,
n’est pas la mystique juive. C’est l’idée que l’arithmologie est un
procédé herméneutique qui permet en affectant des valeurs numériques
aux lettres et en mettant en œuvre des règles de relation entre les
mots, de réaliser des études combinatoires, probabilistes, créer des
liens de corrélations et obtenir de la sorte une nouvelle grille
d’analyse quel que soit le texte étudié. Enfin l’astrologie dont il est
question ne consiste évidemment pas à composer son horoscope matutinal.
Il s’agit ici de prendre conscience que tout ce qui vit sur terre fait
partie d’un ensemble beaucoup plus grand qui s’appelle l’univers et que
se comprendre conduit à comprendre le monde dans lequel nous nous
trouvons.
• 20ème - Sublime Philosophe Inconnu, dit Philosophe Hermétique,
Sur le plan initiatique, ce grade s'inscrit sans nul doute dans une « filiation » qui se veut l'héritière lointaine des mystères pythagoriciens, éleusiaques ou même mithriaques et qui prit bien des voiles depuis les cercles néo-platoniciens de la Renaissance
• 27ème - Maître Égyptien, Sage des Pyramides, ami du désert, dit Patriarche d'Isis,
Ce grade résume, prolonge et conserve la quête et l'enseignement des petits Rites égyptiens qui prospérèrent en France à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème. L'Égypte dont il est question est d'abord un symbole, ce berceau des initiations qui parcours l'ésotérisme occidental depuis la Renaissance. Mais les textes rituels de l'initiation utilisés dans le Grand Ordre Égyptien Mixte « réactivent » ici ce que furent les cultes à « Mystères » dans leur pratique de l’époque ptolémaïque.
• 30ème - Sublime Maître du Grand Œuvre,
Ce grade rapproche symboliquement et rituellement l'initié du « Premier Principe des choses ». L'initié est conduit à travers les principales étapes de ce parcours vers la pleine réalisation de son être, lui permettant ainsi de révéler toutes les potentialités et les qualités de sa double nature humaine et spirituelle.
• 33ème - Patriarche Grand Conservateur,
Les grades sommitaux du rite, Défenseur du Rite (31ème degré), Prince de Memphis (32ème degré), Patriarche Grand Conservateur (33ème degré), contrairement à d’autres rites pratiquées au sein de la GLMF, ne sont pas des grades administratifs, et disposent chacun d’une cérémonie de réception. Ils parachèvent la progression des Sœurs et Frères actifs dans le rayonnement du Rite.
Conclusion
Aucune référence n’est faite à la légende d’Hiram, à l’ancien ou au
nouveau testament. Il est clair que nous ne traitons pas de la
symbolique adonhiramite.
L’approche est préchrétienne et puise ses racines dans les cultes à
Mystères et les philosophes de la Grèce Antique, de l’Égypte
Alexandrine, voire de l’Égypte antique.
La recherche n’est plus que spirituelle, elle vise à renouer avec les
travaux des académies d’Alexandrie et de Florence, une vision qui
englobe les cultures quel que soit le lieu ou l’époque, et qui
transcende les religions pour permettre à l’Homme de prendre sa
véritable dimension dans l’Univers et par conséquent sa place dans la
société.
En conclusion, le travail initiatique auquel nous invitent les « hauts
grades » du Grand Ordre Égyptien Mixte de la GLMF tente de réunir dans
l'harmonie exigence humaniste et quête spirituelle. Deux aspects, nous
semble-t-il, inséparables de notre tradition maçonnique.
Mais il faut prendre pleinement conscience que si l’on ne traite pas de
sujets sociétaux, nous nous préparons par ce ressourcement à revenir
agir dans la société civile. C’est principalement la construction du
« Temple intérieur » qui est ici mise au service de notre
Grand Œuvre (qui est la construction du chef d’œuvre de
l’accomplissement humain), réalisant ainsi pleinement les propos de
l’article 1er de notre Constitution : « Elle travaille à
l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel
et social de l’humanité »…